Corps et esprit by Yeshayahou Leibowitz

Auteur:Yeshayahou Leibowitz [Leibowitz, Yeshayahou]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie
ISBN: 9782204086523
Éditeur: Pocket
Publié: 2010-01-01T00:00:00+00:00

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PHYSIOLOGIE ET PSYCHOLOGIE

L’étude du cerveau et l’étude de la réalité psychique de l’homme sont deux objets qui relèvent de deux disciplines scientifiques différentes. Le premier relève de la physiologie, le second de la psychologie au sens le plus large de ce terme. Le problème de la corrélation psycho-physique est le suivant : est-il possible de condenser en une seule ces deux lignes de recherche et de comprendre la réalité psychique de l’homme comme l’expression du fonctionnement du cerveau ?

La physiologie du cerveau est représentée aujourd’hui dans une large mesure par la cybernétique [1], conséquence de la possibilité de construire des appareils mécaniques dont le fonctionnement semble refléter les processus de pensée de l’homme. Nous faisons allusion, évidemment, à l’ordinateur dont l’existence est aujourd’hui bien connue d’un très large public [2], bien que son fonctionnement soit souvent loin d’être compris même par ceux qui savent utiliser ce merveilleux appareil. On a pris l’habitude de l’appeler cerveau artificiel et de nommer parfois son fonctionnement intelligence artificielle [3]. Mais soulignons d’emblée l’existence d’au moins deux raisons qui paraissent, dès le départ, faire obstacle à la possibilité de mettre en parallèle les problèmes de la recherche en physiologie du cerveau et ceux de la recherche sur la réalité psychique.

La physiologie est une branche des sciences de la nature. Même si la chose paraîtra étrange au commun des mortels j’entends par là celui qui n’est pas un spécialiste de cette profession – le physiologiste peut ne pas tenir compte du fait qu’il s’occupe de créatures qui ont des sensations, une conscience, une volonté, etc. ; il peut ne pas tenir compte du fait qu’elles vivent. Il ne connaît, ne décrit et ne s’efforce de comprendre que les processus qui se déroulent dans un organisme vivant, sans qu’aucun de ces processus, en eux-mêmes, relève en aucune manière de la catégorie de la vie. Le physiologiste, en tant qu’être humain, sait que ces processus se déroulent dans un organisme vivant. Mais en tant que physiologiste il sait que le processus lui-même n’est pas conditionné par le fait qu’il se produit au sein de la vie. Nous pouvons, aujourd’hui déjà, représenter plusieurs des processus de la vie par des modèles mécaniques auxquels évidemment on n’attribue pas les fonctions de la vie. Il est déjà actuellement possible – possibilité qui croîtra sans aucun doute avec le temps – de construire des appareils qui effectuent vraiment la même action qu’un organe du corps vivant. Nous nous rapprochons de la possibilité de fabriquer un cœur mécanique en matière plastique pouvant remplir la fonction du cœur et de l’implanter dans le corps d’un être vivant en remplacement de son cœur, dans les cas où celui-ci est déficient et cesse, ou est sur le point de cesser de fonctionner [4]. Bien évidemment on ne qualifiera pas de vivant cet appareil en plastique ; et si le cœur effectue exactement la même fonction, nous ne sommes pas obligés de lui attribuer les propriétés de la vie. Nous attribuons les propriétés de la vie à l’organisme dans son ensemble et non aux mécanismes qui agissent en lui.

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